lundi 31 janvier 2011

The Reader, de Stephen Daldry

The Reader, une troublante histoire d’amour



Un autre film avec Kate Winslet, sorti également en 2008 aux États-Unis, et en 2009 a retenu mon attention. Il s’agit de ce troublant film, The Reader, de Stephen Daldry (Billy Elliot), avec dans les rôles principaux Kate Winslet (Titanic, Les Noces rebelles) et Ralph Fiennes (Lord Voldemort, dans Harry Potter, depuis La Coupe de Feu).
En Allemagne, en 1958, Michael Berg (David Kross), lycéen, tombe malade en rentrant de l’école. Il est recueilli par une femme âgée de 20 de plus que lui, Hanna Schmitz (Kate Winslet). Après le rétablissement de Michael, ils entretiennent une liaison d’un été. En dehors de leurs ébats, Hanna aime par-dessus tout que Michael lui raconte des histoires. Il lui lit l’Odyssée, Guerre et Paix, La Dame avec le petit Chien, les aventures de Tintin. Hanna était employée dans le tramway que prend Michael, et un jour, elle obtient une promotion. Sans rien dire, elle quitte son appartement. Michael est désemparé : il vient de perdre son premier amour de jeunesse. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que cette femme laissera sur lui une marque aussi indélébile que le tatouage des innocents de l’extermination nazie.
Hélas, la comparaison que je reconnais très dure, s’adapte pourtant à l’histoire de The Reader. Quelques années plus tard, Michael est étudiant en droit, en Allemagne de l’Ouest. Nous sommes en 1966.  Il est invité par l’un de ses professeurs à assister au procès d’un groupe de femmes qui ont été gardiennes de camp à Auschwitz. Parmi les gardiennes figure Hanna. Sans le savoir, elle se révèle à Michael, durant ce procès : Michael comprend qu’Hanna ne sait pas lire. Elle a refusé un poste de bureau chez Siemens pendant la Guerre, pour rejoindre les SS, car elle n’aurait pas eu à lire ou écrire. Hanna a honte de ne pas savoir lire. Lorsque le juge l’accuse d’avoir rédigé un rapport qui décrit les circonstances de la mort de 300 femmes juives dont Hanna et ses collègues avaient la charge, elle avoue, pour ne pas avoir à passer un test d’écriture devant la cour. Ses collègues l’ont abandonné : elles savent bien qu’Hanna n’a rien écrit. Ses collègues écopent de quatre ans de prison, Hanna de la prison à vie.
En prison, elle reçoit des cassettes envoyées par Michael, dans lequel il s’est enregistré lisant les histoires qu’il lui lisait durant sa relation avec elle. Hanna apprend peu à peu à lire et cherche à entrer en contact avec Michael. Mais celui-ci demeure distant, jusqu’au jour de la sortie de prison de Hanna, car son état de santé ne lui permet pas de rester une vingt-et-unième année en prison.
Ce film a quelque chose de dérangeant. Il magnifiquement interprété par Kate Winslet, qui nous émeut du début à la fin, et par l’acteur qui joue Michael adolescent et étudiant. Mais des troubles apparaissent dans le film du début à la fin : la relation étrange qu’entretiennent Hanna et Michael au début du film, le procès où l’on découvre Hanna : elle a reçu peu d’éducation, elle obéissait aveuglément aux ordres qu’on lui donnait. Cela en parallèle avec le cours de droit de Michael. Cette scène du procès ouvre de nombreuses questions auxquelles le film apporte des ébauches de réponses. Il est certain qu’on ne peut pas vraiment trancher ce genre de débats. Hanna doit-elle être pardonné d’avoir laissé mourir toutes ces personnes parce qu’elle ne savait pas lire et qu’elle a peu reçu d’éducation, donc elle obéissait aveuglément aux ordres de ses chefs SS ? Le droit et la morale peuvent ils êtres réunis lors d’un procès ? Ce sont autant de bonnes questions qui dérangent. Lors du procès le juge demande à Hanna : « Pourquoi ne pas avoir libéré ces femmes que vous teniez prisonnières dans l’église alors que le bombardement avait provoqué l’incendie de cette église ? » La réponse d’Hanna bouleverse par sa franchise : « Mais, si j’avais ouvert les portes, elles se seraient enfuies. Et moi j’en avais la garde. Je devais les garder avec moi. Comment auriez-vous fait à ma place ? ». Le Juge ne répond pas. Je réfléchissais à la solution miracle qu’Hanna aurait pu choisir, suivant le contexte historique et ses ordres. Mais le fait est, il n’y en a pas. Et ça dérange. Parce que 300 femmes ont péri cette nuit là. Et Hanna n’éprouve aucun remords parce qu’elle obéissait à des ordres. Et ce qu’on trouve dérangeant, c’est qu’on voudrait bien la prendre en pitié, parce qu’on comprend qu’elle est faible, qu’elle a honte de ne pas savoir lire, ce qui de nos jours est une base intellectuelle. Elle est manipulée facilement, comme le procès l’a montré. Pourtant, il faut dire qu’elle est responsable de la mort de ces innocents.
L’une des dernière scènes du film aussi m’a dérangé, mais je crois que c’est parce que je n’en ai pas compris le sens : Hanna donne à Michael (Ralph Fiennes, lorsque Michael est adulte) les maigres économies qu’elle a fait en prison pour qu’il les remette à la seule rescapée de l’église, afin qu’elle en fasse ce qu’il lui semblera bon. En fait, ce qui met mal à l’aise dans cette scène où cette rescapée reçoit Michael, c’est qu’on est dans un appartement au cœur de New York, dans un immense appartement qui déborde de luxe et de superflu. Cela est suggéré par la vision qu’à Michael. Et en fait, cette seule introduction fait qu’on a du mal d’aimer la rescapée pour son destin, lorsque Michael lui parle. On sait que cette rescapée a souffert, mais on l’imagine seulement, parce que son apparition au procès est courte, parce qu’elle se montre hautaine à Michael et qu’elle est installée à son aise dans un appartement qui sent l’argent jusque dans les narines du spectateur. Et en parallèle, nous avons suivi le destin de Hanna, qui a vécu en prison, qui reste débile toute sa vie, au sens de la raison.
The Reader est un film très hollywoodien. Les décors sont somptueux, le scénario fouillé, on jongle dans les époques de la vie de Michael. L’histoire ne perd en rien de son intensité, cependant. David Kross et Ralph Fiennes parviennent tout à fait à nous attacher au personnage de Michael, qui demeure fidèle à lui-même, quelle que soit l’époque de sa vie. Il a le même caractère, les mêmes expressions. La photographie légèrement grisâtre métaphoriquement et l’on se sent immergé dans l’Allemagne coupée en deux. Les plans de caméras quoique complexes et hollywoodiens ont un-je-ne-sais-quoi de fadeur qui rappelle les films allemands de l’époque. Pour ma part, un détail « américain » m’a fâché : lorsqu’Hanna commence à apprendre à lire, le premier livre qu’elle ouvre est La Dame avec le petit Chien, de Tchekhov. Le titre est anglais, Hanna est allemande. Bon, on aurait aimé tout autant avoir le titre écrit dans sa langue maternelle, déjà qu’elle ne sait pas la lire.
Le film The Reader est tiré du best-seller de l’auteur allemand Bernard Schlink. Il reçu un avis partagé par les critiques. Il contribua à la nomination aux oscars de Kate Winslet qui confirme son talent d’actrice dramatique.



The Reader, de Stephen Daldry, 2008

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