samedi 29 janvier 2011

Les Noces rebelles

Les Noces rebelles… Dans le drame du conformisme



Récemment, j’ai vu le film Les Noces rebelles, de Sam Mendès (American Beauty, Away We go), qui réunit onze ans après Titanic, le couple Léo et Kate Winslet. On y retrouve également Kathy Bates, qui y incarnait Molly Brown. Le film s’inspire d’un roman Revolutionary Road, de Richard Yates, paru en français sous le titre de La Fenêtre panoramique.
Dans les années 50, aux États-Unis, Frank Wheeler (Léonardo Dicaprio) et sa femme April (Kate Winslet) ont tout pour former un ménage heureux. Frank travaille, April est mère de deux enfants et ils ont une ravissante maison dans Revolutionary Road. Le couple est si heureux qu’il cherche à tout prix à se différencier du conformisme de ses voisins, et à passer outre les conventions sociales. Malheureusement, les années passent, Frank s’aigrit car il reste prisonnier d’un job qu’il n’aime pas, April rêvent de projets impossibles. Bref, ils finissent par tomber dans le conformisme qu’ils ont toujours détesté, et cela sous les yeux mesquins de leurs voisins. L’avenir du couple est compromis.
Tableau assez peu réjouissant que dresse Sam Mendès de ce couple. On pourrait s’en douter en voyant Léo à l’affiche. Pour ma part, j’ai été ravi de les retrouver ensemble dans un film où leur histoire à quelque chose de moins passionnel et idéaliste que dans Titanic. Ici, on suit un couple aigri qui sombre dans la désillusion. Léonardo est un acteur qui a prouvé tout son talent de justesse et de profondeur qu’il donne à ses personnages depuis longtemps. De Titanic à Inception, ses rôles ont toujours été ceux d’hommes au passé obscurs et dont l’avenir est incertain. Les Noces rebelles n’y échappent pas. Il campe le rôle de Frank Wheeler, un gaillard fort en gueule qui compte sur son volontarisme pour survivre. Comme il prévient au début du film, il n’a pas un train de vie extraordinaire, il vit de petits boulots. Lorsqu’il rencontre April et qu’ils fondent une famille, il rejoint l’entreprise dans laquelle travaillait jadis son père. Kate Winslet lui donne la réplique. Elle aussi est étonnante de justesse dans le rôle d’April Wheeler, jeune femme qui rêve de fortune dans son métier de comédienne malheureuse (la pièce dans laquelle elle joue au début du film ne se couronne pas de succès auprès des spectateurs). Une fois devenue femme de Frank et mère de deux enfants, elle part en quête d’un idéal, d’une nouvelle vie dans laquelle elle pourra tout recommencer avec Frank et ses enfants, et pouvoir préserver ce qui est important pour elle : ne pas ressembler à ses voisins.
La façon de filmer est académique et très esthétique. Le cadre américain des années 1950 est joliment reconstitué. On voyage d’une grande ville américaine au théâtre, de la maison de Frank à son travail, qui passe par la gare. Les hommes en chapeau et les femmes en robe longue sont de mise. Les couleurs sont douces et les plans s’apparentent à des tableaux faits aux crayons de couleur. Bien qu’il s’agisse d’un drame, Mendès filme de manière très douce chacune de ses scènes, et on se sent finalement très vite emporté dans l’histoire, car chaque plan étant un tableau, on peut en parcourir chaque détail du regard. Le film prend le temps d’être révélé.
Autour du couple Wheeler gravitent un groupuscule de personnages secondaires qui donnent malgré eux leur contribution à la chute du couple principal. Celui qui m’a le plus marqué est le fils de l’agent immobilier, John Givings (Michael Shannon). C’est un homme d’une quarantaine d’années qui vient fréquemment rendre visite aux Wheeler an compagnie de sa mère, qui est agent immobilier. John est une sorte de malade mental dont on ignore la cause exacte, mais il doit être une sorte d’autiste. Il relance l’histoire à chacune de ses visites en lançant des réflexions plus ou moins objectives, qui heurtent souvent la sensibilité de Frank et d’April. Ceux-ci essayent chaque fois de se montrer courtois, mais après chaque visite, ils se remettent en question ou en cause, et cherchent à avancer dans une direction qu’a évoquée John. Cela peut les amener sur le chemin du pardon, et plus certainement sur la pente fatale…
En effet, la différence majeure entre Frank et April vient de leur psychologie : Frank est un homme blasé par son travail qui ne lui plait pas. Il est amoureux d’April, qui au fur et à mesure de l’histoire, l’abandonne. Il se débat en permanence dans le film pour tenter de sauver son couple, à fortiori sa famille puisqu’il est père. Toutes les méthodes seront bonnes, allant de la tentative de dialogue, à la soumission aux projets d’April, à l’adultère, pour la rendre jalouse. N’en demeure pas moins que le but recherché par Frank est de poursuivre le mieux du monde sa vie avec April.
De son coté, April est une jeune femme qui rêve d’une vie parfaite, au dessus des conventions, au dessus du conformisme, bien plus que Frank qui demeure finalement un être rationnel. Mère au foyer, elle décide de tout changer : elle veut emmener sa famille vivre en France, à Paris, où parait-il, les femmes gagnent plus que les hommes. Ce rêve s’appuie sur l’expérience de Frank, qui avait été soldat pendant la libération de la France, et qui garde un souvenir émerveillé de Paris. Ce rêve se transforme en obsession, car elle veut en imposer à ses voisins qui jugent ce projet d’un œil mesquin. Frank hésite à la suivre, le fera-t-il ? L’aigreur s’installe et bientôt, April sombre dans une sorte de folie pathologique, car ses désillusions l’affectent. Elle se sent prisonnière d’un destin sur lequel elle n’a aucune prise, aucun moyen de lutter pour le changer.
Les Noces rebelles est sorti en 2009. Il remporta la Golden Globe award 2009 du meilleur film. C’est la première fois que Sam Mendès (également Golden Globe du meilleur réalisateur) y dirige sa femme, Kate Winslet, qui remporta la golden globe de la meilleure actrice dramatique cette année, tandis que Léo y rafle la Golden Globe du meilleur acteur. Un immense succès pour ce film, fort mérité.



Les Noces rebelles (Revolutionary Road), de Sam Mendès, 2008

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